Mercredi 3 août 2016

Cuming Inlet se distingue de moins en moins clairement au moment où je vous écris. Il est 01h10 heure Québec (n’en déplaise au Canada et encore moins au Nunavut) et nous longeons les côtes accidentées de l’île Devon. Le ciel frime avec ses jolis tons de pastel bleuâtre et rosé. Le soleil sort sa tête nous saluer en perçant des trous dorés dans un ciel nappé d’une couche de nuages épaisse. La mer est calme et de couleur saphir. L’horizon est franc. Nous apercevons de gros icebergs à plus de 30 nautiques mais aussi les côtes nord de Baffin Island, là où nous avons été vite régurgités dans le Lancaster Sound il y a maintenant 3 nuits de ça.

Eric a eu une connexion pour le Mini-M au bout de plusieurs essais. Nous avons reçu des nouvelles croustillantes de la part de notre ami Peter pour la météo. Avec un vent faiblissant et ouest, il n’est pas impossible que nous restions au moteur une bonne partie de la nuit. Il virera sud et forcira plus tard avant de se pétoliser dans les prochains jours. Nous sommes en limite des zones est et ouest du Lancaster Sound et il s’agit de bulletins différents pour chacune d’elles. C’est que les distances sont tellement étendues, l’espace autour de nous ouvre les poumons et nous sommes seuls là-dedans. Oui, enfin pas tout à fait… Nous avons croisé « Travestern » il y a une heure, un pétrolier en route pour Lee Point sur l’île d’Ellesmere (au nord de Devon Island). J’ai quelques clichés du monstre tâchant une bande de ciel doré/pêche, écrasée par une grosse nappe violette/myrtille. (Ce sont bien ces couleurs qui peignent le tableau au mieux). Il reste encore une bonne centaine de nautique avant Beechey. Nous partons véritablement sur les traces des braves hommes qui se sont aventurés dans ces eaux glaciales dans bien de pires conditions que celles que nous vivons maintenant et qui y ont laissé leurs vies et quelques traces. Manevaï fait une sorte de pèlerinage, un Saint Jacques de Compostelle voguant, un Pacific Crest Trail à la voile (et au moteur pour le moment).

Notre route provisoire, la Route D des 7 routes possibles pour le NWP est parsemée d’escales riches en histoire(s), humaine(s) avant tout. Je parie une Budweiser que ces fadas des mers ont vu plus de faune marine que Manevaï pour le moment. Les nanuks se font encore attendre et les bœufs musqués boudent. La moitié du chemin n’a pas encore été franchie en 8 semaines jour pour jour suite à notre départ de Brest, le 08 juin 2016 (quand je vous disais pour les distances). Eric m’a dit un jour « le NWP, ça se mérite. » Il a raison. Il m’est parfois difficile de décrire de manière compréhensible ce que nous voyons, ce que nous vivons ; il faut que vous soyez à bord pour ça et pas sûre que les entrailles du majestueux Manevaï puisse vous accueillir tous. Dans tous les cas, ce qu’on vit, on le vit aussi pour les Passagers vainqueurs et perdants du Nord Ouest.

Notre cinquième station plancton s’est mise en scène vers 10h30 ce matin et pour la première fois dans le Lancaster Sound, zone ouest ; inconnue au bataillon. Il est maintenant 17h passées heure Roméo. Nous continuons donc à gagner en temps et à retarder l’heure de nos repas.

Beechey Island dans la « Erebus and Terror Bay » se dessine de mieux en mieux malgré la pluie et la grisaille. Le pilote vient d’être enclenché et a l‘air de se maintenir après une longue bataille Génois vs moteur : nous barrons à tour de rôle depuis ce matin et avons également déjeuné ainsi… L’un prend l’entrée et le plat et attend son fromage et son dessert pendant que l’autre se rassasie tranquillement. Nous allons pouvoir partager un bon repas chaud tous ensemble ce soir sur la terre de Sir John Franklin.

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