Lundi 09 juin dans l’après-midi appareillage après toutes les formalités. Le départ de Wakkanai fut bizarre : dire aurevoir et à bientôt aux amis alors que nous ne savons pas cette fois-ci si nos routes se croiseront. S’extraire du bassin avec un vent de 25 nœuds dans le port mais les amis sont là pour nous décoller de Kuaka contre lequel nous étions bien appuyés.

10 juin 6.30 il faut détangonner pour changer de cap car nous sommes en route de collision avec Bellamare. La flotte s’est dispersée. Horizon a pris la tête robe blanche casaque blanche étoilée, suivie de Kuaka robe grise casaque étoilée. Suivi de Manevaï robe blanche, casaque rayée bleu blanc rouge avec Bellamare robe gris perle casaque stars and stripes à ses trousses, il n’a pas encore donné toute sa puissance, suivi de Manaia robe blanche et émeraude casaque rouge à croix blanche, suivi de Wodan, Mandolyn,  Harmattana… Hoptoad préfère partir plus tard.

Nous avons amené les guidons de clubs et du rallye pour ne conserver que celui du CNMB à bâbord. Dans quelques jours nous hisserons le pavillon de courtoisie américain.

Impression de froid glacial en sortant dans le cockpit, un peu de soleil et une mer sympa. Manevaï glisse, vent de 18 noeuds, bâbord amure. Le skipper est parti se recoucher. Il n’a pas bcp dormi, la cause : la proximité de Bellamare. Moi je prépare mon petit déjeuner. J’attend Starlink pour mettre à jour notre position sur NFL et recevoir des nouvelles de la famille, des amis et des voiliers.

Nous étions 10 à Wakkanai. 9 pour s’élancer vers le NE. Un autre du nom de Gans descend lui, vers les Philippines.

Et en bavardant le premier soir nous nous sommes découvert des amis communs. Lorsqu’ils ont dit qu’ils avaient hiverné leur grand voilier à Sitka, ils m’ont parlé de Thimbleberrybay. Yes, mais c’est la maison de Frances, Krystina et Érik !

Un cargo russe descend sur ma gauche et Bellamare m’empêche de manœuvrer. Ça devrait passer.

Depuis notre arrivée à Wakkanai nous entendons des voix russes sur la VHF. À Wakkanai tous les papiers que nous avons remplis pour notre sortie étaient dans les deux langues mais heureusement quelques personnes parlaient anglais, un peu. Étonnées que nous soyons américains ou européens.

Le cargo est passé à 0,5 nautiques, je l’ai entendu mais je ne l’ai pas vu. Je n’ai plus qu’à enlever des épaisseurs et redescendre à l’intérieur finir mon petit déjeuner.

Le brouillard descend, je ne vois plus nos amis situés à 1 nautique plus au sud. Et notre vitesse diminue. Plus que 12 noeuds de vent .

Nous quittons le détroit de Lapérouse pour entrer dans la mer des Kouriles. Fosse de plus de 3000 mètres.

11 juin, 3 -ème jour.

Demain après midi nous pourrons choquer les écoutes. Mais ce matin 6.45 (Heure de Vladivostok). 2 ris dans la grand-voile, tours de rouleaux dans le génois.

Pour l’instant la mer nous laisse glisser sans trop de heurts. Le soleil est avec nous, le ciel est bleu !

Si ce n’était pas la difficulté de compenser en permanence cette foutue gîte, tout serait parfait. On marche comme un dahu, on s’asseoit comme un dahu si tant est que les dahus peuvent s’asseoir. La difficulté est aussi de rester assis aux toilettes sans être éjectés contre la cloison d’en face.

La nuit a été sans problème. Déjà de la gîte mais seulement 12 nœuds.

Bellamare est devant nous à 23 nautiques. Il a un AIS puissant.

L’eau de mer est à 10,4°

3 -ème après-midi. Le pilote automatique nous lache. Alarme. Éric fonce dehors regarder les instruments. Puis vide les coffres. Se faufile dedans. Problème de vérin. 2 heures pour réparer. Nous sommes à la cape. Il fait jour, la mer n’est pas trop agitée, il ne pleut pas. Seulement un peu froid. Réparation effectuée. “Pourvu que ça dure “comme aurait dit Laetitia Ramolino ( mère de Napoléon)

Nous sommes en mer d‘Okhotsk.

12 juin, 4 -ème jour, moteur. 300 nautiques à parcourir sur ce bord mais il n’y a plus de vent. 10 ° au réveil dans le carré. Un peu de chauffage gratuit grâce au moteur pour réchauffer l’atmosphère. Temps gris mais lumineux.

Nous avions peur de nous ennuyer ce matin? Tri des boulons! La boîte s’est ouverte en tombant!

Tous les jours vers midi nous branchons Starlink et nous nous positionnons et recevons la position des amis, nous la notons sur « No Foreign Land » et sur l’écran de la table de navigation.

13 juin, 5 -ème jour. 5.30 10 ° dans le carré au réveil. L’eau de mer est à 5,5°. Une condensation importante sur les hublots capots. Aujourd’hui sensation d’hiver. Vent de 15 nœuds traversier. Vitesse 6 nœuds. Le vent devrait tourner, il est toujours au 315.

9h Réception navtext : par le biais du système SMDSM (système mondial de détresse et sécurité en mer) nous apprenons que les Russes suspendent temporairement du 09 au 16 juin le droit de passage “innocent” aux navires d’état et non commerciaux, sur une ligne entre les Kouriles (disputées) et le Japon.

On recharge les batteries grâce au moteur. Le soleil réchauffe aussi l’intérieur de Manevaï par les hublots du carré.

Fuite d’eau dans la douche. D’où vient cette eau un peu salée et un peu mousseuse ?

Aujourd’hui nous avons passé la latitude de Brest. Vu le rayon vert ce soir en craignant que le brouillard ne nous le vole. Vu un cargo à 7 nautiques faisant route pour Otaru. La visibilité était bonne à cet instant T. Le coucher de soleil a été très beau, certains voiliers plus sud, environnés de brouillard, n’ont rien vu. Deux voiliers passeront les Kouriles, Kourilski 4 eme, cette nuit. Ils ont dû utiliser leur moteur pour être déjà si loin.

Au dîner quiche au thon et gâteau au chocolat. Soirée, génois tangonné, voiles en ciseaux. 21/ 22 nœuds de vent, on glisse sur l’eau. Et en milieu de nuit le vent faiblit un peu, on roule légèrement d’un bord sur l’autre.

 14 juin, 6 -ème jour. 10 ° dans le carré ce matin à 7.30. Chaudière vite mise en route.

On détangonne à 9h pour revenir à une route plus sud-est. Température extérieure 7°.

Nous quitterons la mer d’Okhotsk aujourd’hui. Nous allons revenir dans l’Océan Pacifique.

À midi la première terre des Kouriles est en vue : Avis rock à bâbord. Photo de Makanrushi île dans la brume altitude 1169 m son sommet est masqué par le brouillard. Quelques oiseaux : pétrels et puffins. Et des albatros ! L’ennui est que tous ces volatiles prennent notre annexe pour perchoir et en profitent pour laisser des fientes sur les boudins.

Onekotan Island Skiy 5 -ème. Sur tribord. 1324 m à son sommet que nous ne voyons pas.

Le chauffage est lancé depuis 30 mn pour aider le pain à lever.

5 pm back in the Pacific Ocean. Le passage n’a pas été trop compliqué. On avait pris 2 ris dans la GV et réduit le génois. 27 noeuds de vent 3/4 arrière et un bœuf de courant contre nous. Vitesse Manevaï 7 noeuds. On roulait un peu.

On croise un “ navire à passagers” qui semble plutôt être un petit patrouilleur de côtes. Nuit très calme mais notre route est trop nord.

Dimanche 15 juin. Fête des pères. Il nous faut ajuster les voiles en fonction de vent et du cap mais aussi des prévisions à venir. Des oiseaux partout autour de nous, le pb est qu’ils prennent leur repos sur notre annexe.

Cabane!!!!!!!! Comme disent les sous mariniers, (nous en sommes à la moitié de la navigation ou plutôt mi-distance). Nous sommes au sud du Kamchatka.

21 h boum sur le pont!!!

Éric regarde il fait presque nuit. Ne voit rien. Mais 1 h après en prenant un premier ris dans la grand voile Éric constate que c’est le hale-bas qui a cédé. Mais pas trop grave c’est la manille qui a lâché donc le hale-bas est tombé d’un coup sur le pont. 22 h retour au chaud. Bien sûr entre-temps le vent a peu faibli. On n ‘en dormira que mieux.

On ne voit personne. Or on se faisait la réflexion que nous étions sur la route orthodromique entre les États Unis et la Chine. Réponse nous ne savons pas par où passent les cargos. A moins que le commerce ne soit interrompu entre ces deux grands pays ? Ce matin la mer est plus grosse. Nous avons réduit vers 5h30 et pris un deuxième ris dans la grand-voile (23/24 noeuds) et sommes repartis nous allonger et dormir.

Pas de pluie ciel lumineux mais gris. La mer nous chahute un peu, nous roulons d’un bord sur l’autre. Nouveau problème sur le pilote automatique. 31 mn pour Éric pour tout revisser contre 2 heures la première fois.

17 juin soir. Nous sommes environnés par le brouillard. Et au moteur depuis une heure, il n’y a plus de vent. Ça y est nous des AIS s’affichent sur notre route, assez proches mais impossible de voir les cargos. Le radar est en fonction.

22h nous sommes à nouveau sur une carte avec sondes. Depuis 3 jours nous étions sur une mer bleu ciel sans sondes, sans informations aucunes. Approche des States ?

18 juin. Moteur depuis hier soir. Sans les voir nous avons pu compter 10 cargos. Beaucoup de brouillard qui s’est levé subrepticement ce matin pour retomber très vite. Et nous sommes dans la purée de pois, traduction pour les amis anglo-saxons, smashed peas, fog quoi !

Pas de houle. Nous essayons de gagner un maximum de nautiques vers l’est mais demain nous ne pourrons éviter la dépression, 25 nœuds qui arrive dans l’après-midi. Et toujours au moteur ce soir malgré quelques tentatives de voile. Nous montons plus nord pour bénéficier d’un courant qui nous rapproche d’Attu. Demain il faudra revoir notre cap plus sud-est pour passer sous Attu.

18 juin*, 2.30 du matin. Le moteur s’arrête! Éric fonce dehors, il allait justement établir les voiles et arrêter le quartier maître de 1ère classe Perkins. Constat vite fait nous traînons une moquette genre paillasson. Elle doit mesurer 8 m de long sur 0, 40 . Et est enroulée tel un cache-col sur l’hélice.

Hésitation « je plonge et je coupe ou j’attends d’être au mouillage ? » Le skipper préfère attendre, Manevaï n’est pas assez stable pour qu’Éric travaille en toute sécurité sous la coque et le vent va se lever.

3.30 on retourne se coucher. La moquette est repartie à l’eau derrière nous. Espérons que la ligne d’arbre et l’hélice n’ont pas souffert.

Au matin nous adressons un WhatsApp au groupe Aleutian Bound. Au fur et à mesure des téléphones qui se connectent des messages de sympathie arrivent. Kuaka derrière nous devrait nous remorquer demain pour entrer à Massacre Bay.

À l’intérieur de la baie sont mouillés 4 voiliers, Horizon et Bellamare plus deux autres. S’il n’y a pas de vent jusqu’au mouillage nous demanderons aux amis de l’aide, s’il y a du vent nous entrerons dans la baie avec la trinquette.

En attendant Kuaka qui est à 20 nautiques de nous, nous ralentissons notre allure en choisissant d’être sous-toilés. Et nous faisons bouchon sur la mer…

19 juin, le vent revient très fort 32 noeuds, nous sommes sous trinquette et grand voile à 2 ris. Vers 20.30 près des côtes de Attu, il n’y a plus que 11 nœuds. Il faut remettre du génois. La difficulté va être le point de rendez-vous avec Kuaka. Lui nous voit dès qu’il allume Starlink et sur l’application Windy il voit notre station météo embarquée qui émet. Nous, nous supposons qu’il est quelque part entre 15 et 20 nautiques derrière nous. Moi qui écrivais que je trouvais ces journées monotones, nous avons connu tous les 3 jours une avarie vite réparées par le skipper.

Il y a de la neige sur les sommets des montagnes. La mer est plus agréable, quelques vagues viennent encore se fracasser sur l’avant bâbord.

Et c’est reparti pour 22/25 noeuds, il faut réduire le génois. Et la mer devient capricieuse, nous sautons sur les crêtes de vagues. J’essaie de dormir, j’entends Eric dehors manipuler winches et écoutes.

Ça y est l’AIS de Kuaka apparait sur l’écran. Une première liaison VHF pour se mettre d’accord, Ben parle d’une voix posée et c’est agréable, pas de stress de son côté. Mais après un semblant de calme sur l’eau, au sud-est des côtes le vent reforcit et les deux skippers sont d’accord, pas de manœuvres de remorquage trop compliquée et dangereuse, ne serait-ce que passer la remorque. Puisqu’il y a du vent Eric va en profiter.

Le vent est de nord légèrement ouest, il va falloir zigzaguer entre les îlots de roches bien marquées sur les cartes. Virements de bord les plus serrés possible, Manevaï ne remonte pas au vent comme un quillard. Bellamare nous contacte pour nous donner la force du vent dans la petite rade, rafales à 25 noeuds. Je suis notre progression à l’intérieur sur l’écran. Je recharge la batterie de la manivelle électrique entre deux virements de bord. Kuaka nous suit au moteur au cas où, flèche verte sur l’écran. 8 virements de bord plus tard nous sommes dans la baie, sous grand-voile bien réduite et trinquette, il est 5h30. Il fait jour depuis 4 heures du matin. Nous posons la pioche et j’affale la grand-voile le plus vite possible. Notre ange gardien choisit son mouillage et nous envoie un message de félicitations. L’ancre a bien croché, il ne reste plus qu’à mettre de l’ordre dans les bouts et aller se coucher.

Anders de Horizon nous enverra quelques heures plus tard une photo de notre arrivée.

Dodo jusqu’à midi !!!

Le lieu est magnifique, le bassin très protégé. Malgré le vent qui peut souffler jusqu’à 32 nœuds nous ne bougeons pas. Des montagnes au nord couvertes de neige par endroits derrière une plaine et au sud une langue de terre moins élevée sur laquelle se dressent encore quelques constructions. Nous sommes à présent 6 au mouillage dont un Garcia français Haiyou.

Dans l’après-midi, balade à terre. Nous cherchons la route, les pistes d’atterrissage. Marchons dans la pampa et faisons fuir les oies et pour cause elles couvent.

En soirée Eric décide d’aller échouer Manevai sur la plage mais après une tentative dans le vent qui se lève et tourne autour de nous, nous revenons au mouillage, annexe à couple pour se déplacer.

20 juin après-midi, Eric prend la décision de plonger pour en avoir le cœur net. L’eau est à 8°C, le vent oscille entre 20 et 32 nœuds. Et miracle ressort avec le coupable. 12 mètres sur 0, 40 de tissu genre scotchbrite.  Free !!! Manevaï is free !!! Hâte de partager cela avec les amis. A présent il nous faut rester prudents, la ligne d’arbre et le presse-étoupe ne semblent pas endommagés mais ce n’est qu’après quelques heures de navigation que nous serons rassurés.

Nous pouvons enfin profiter de cette escale avec un grand beau temps.

*Pour être à la date de Dutch Harbour où nous ferons notre entrée officielle nous avons choisi de « redoubler » le 18 juin. Pour être à l’heure de Dutch Harbour, tous les deux ou trois jours nous avons avalé une heure.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.