Hiroshima. 6 août 1945, 8h 15.
L’émotion est au rendez-vous.

Au musée de la Paix, beaucoup de monde. Pas de cris, pas de paroles trop fortes. Quelques nez qui reniflent. Quelques histoires poignantes racontées par écrit, la vie de tous les jours qui s’arrête. Personnes soufflées, brûlées. Un peu Pompéi, les mouvements arrêtés en une fraction de seconde. Pour les Hibakusha, les survivants, ce sont des mois de soins, de reconstruction, des douleurs constantes dues aux brûlures, les cancers apparaissant souvent des années plus tard.

Dans le musée, les visiteurs sont canalisés dans un long couloir sombre bordé de vitrines de chaque côté qui exposent des objets fondus, tordus, des vêtements en pièces, un tricycle…

Ce tricycle avait été enterré avec le petit garçon de 3 ans, son papa ne voulant pas laisser seul son enfant sous la terre de son jardin. 40 ans plus tard le papa décida de déplacer la dépouille de son fils dans le caveau familial et en fit cadeau au musée.

Il n’y a pas de musique ou s’il y en a je ne m’en souviens plus. Et pourtant, Éric me dit qu’il y avait une petite musique douce. Des photos de corps brulés, de la vie des familles avant le 6 août. J’ai failli quitter la file des visiteurs et puis en fait, j’ai évité de trop regarder les légendes.

Est aussi retracée la fameuse histoire de cette enfant, Sasaki Sadako. Elle avait 2 ans le 6 août 1945 et avait été exposée à la pluie noire, (retombées radioactives sous forme de pluie, même phénomène qu’à Nagasaki), atteinte de leucémie à l’âge de 11 ans, persuadée qu’elle guérirait si elle pliait 1000 grues en origami.

Grâce à son témoignage, elle incarne une véritable icône de la paix à la mémoire de tous les enfants irradiés et victimes de guerre.

C’est en souvenir de son acharnement pour vivre, de sa ténacité que chaque année une cérémonie est organisée à Hiroshima et à Nagasaki. Des centaines de villes du monde entier envoient des grues en papier qui sont rassemblées autour de la statue de Sasaki Sadako, statue entourée d’enfants avec cette inscription :

« Ceci est notre cri,

Ceci est notre prière,

Pour construire la paix dans le monde ».

Yukiko.

 

La bombe lâchée sur Hiroshima était constituée d’uranium enrichi et explosa à une altitude de 600mètres, sa puissance équivalait à environ 16 kilotonnes d’explosif conventionnel…Dans le cas de Hiroshima et de Nagasaki, l’effet principal fur un souffle et une chaleur extrême ainsi qu’une forte émission de rayons gamma accompagnés de neutrons. L’éclair de chaleur enflamma les bâtiments (principalement constitués de bois) et déclencha un orage de feu. Les personnes proches du point d’explosion furent tuées instantanément ; à plus grande distance, elles souffrirent de brulures et de l’effet des radiations, responsables d’environ 10 000 décès au cours des semaines qui suivirent.

Ensuite nous rejoignons les ruines du fameux Dôme de la Bombe atomique, gardé en témoignage de la catastrophe. C’était à l’origine le palais de l’exposition commerciale inauguré en 1915. La cible de l’avion porteur de la bombe était le pont en T situé à 200 mètres de ce bâtiment, à droite en bas de la photo.

A partir du musée, bâtiment des années 60/70, une perspective a été créée dans laquelle s’inscrit le Monument de la Paix des Enfants, la Flamme qui brûle nuit et jour (et qui ne s’éteindra qu’à la disparition du dernier engin atomique), la Clock Tower, le Mémorial où sont inscrits les noms de toutes les victimes de la bombe (les victimes sont estimées à 300 000) … les guirlandes des grues de la paix sont protégées dans des guérites-écrins transparents, un peu ternis par le temps.

Nous avons aussi goûté la spécialité d’Hiroshima, l’okonomiyaki. Une crêpe, du chou (beaucoup), un œuf, du bacon, des huîtres et une sauce. Bien sûr huîtres chaudes déjà “désossées”. Moi, j’aime bien, j’ai calé pour le chou.

Nous avons découvert le quartier de Yokogawa en bout de ligne du tram, quartier au charme des années 60 comme un village, petits cafés, petites galeries d’exposition, et bavardé avec la propriétaire de la galerie Kamome no Baabaa.

Miyajima. Ile accessible en ferry à partir d’Hiroshima. Temple bouddhiste, pagode et sanctuaire shinto. Le sanctuaire fut bâti en 593 entièrement sur pilotis. Cette île était habitée de plusieurs divinités et il était inapproprié de couper des arbres pour ne pas déprécier, altérer les paysages de l’ile. C’est aussi pour cela que le Torii aurait été placé sur le sable (un Torii est un portail qui marque la frontière entre le monde des esprits et le monde des mortels).

Le fameux Torii d’Itsukushima, en bois de cèdre, semble flotter sur l’eau à marée haute. Le premier Torii a été érigé au XIIème siècle, l’actuel mesure 16m de haut et date de la fin du XIXème. A marée basse, cette porte est accessible à pied.

Les moines Jizo coiffés de leur bonnet rouge. Jizo est le protecteur des enfants.

Nous reprenons la mer après avoir réglé la marina et nous être battus avec les machines à laver au mode d’emploi entièrement en japonais !

Sagoshima. 4 mai au soir. Nous visions le petit port de Kaminoseki mais le ponton est déjà occupé par 3 voiliers donc il faut trouver un endroit pour la nuit. Joli mouillage calme, petit village qui doit être plus animé l’été. Nous étrennons la nouvelle ancre reçue à Iki.

Kanmon Passage. Nous y sommes à nouveau. Il fait gris, le courant est légèrement contre nous mais comme il s’agit d’une petite marée son influence se fait à peine sentir. Il est 17h lorsque nous sommes en mer du Japon et Eric sait où aller.

Yoshimo. 3 heures d’enfer. De nuit, nous nous amarrons le long d’une grande digue. Tout est calme, nous sommes couchés et endormis. A 1h30 il se passe quelque chose. Le vent s’est levé et nous plaque contre le quai. Les défenses se coincent dans les alvéoles du mur. La planche de bois craque. Il nous faut reprendre les réglages, sans pouvoir nous décoller malgré le propulseur. Les rafales de vent jusqu’à 28 nœuds se calment avant 4 heures du matin, nous pouvons nous recoucher. Phénomène très localisé car nous n’avions rien vu venir dans les prévisions.

Hagi. Honshu. 6 mai en fin d’après-midi. Malgré les avertissements du coordinateur du rallye, nous ne voulons pas louper cette escale. Il parait qu’ils sont « unfriendly » ici. Au quai d’amarrage prévu pour les bateaux de passage, nous préférons nous accoster plus à l’intérieur du port de pêche. Mais nous n’avons pas remarqué que nous sommes trop proches de la pompe de carburant enfermée dans une baraque en métal. Ce qui nous vaut un réveil à 4 heures du matin alors que deux personnes doucement déplacent notre voilier en le faisant glisser pour faire de la place aux pêcheurs qui partent en mer et viennent remplir leurs cuves. Après nous être excusés en anglais, eux ne parlent que japonais, nous nous recouchons.

A 8 heures, ce sont les garde-côtes qui se pointent, 5 personnes en uniformes, tous nos documents sont photographiés, c’est la troisième fois que nous sommes contrôlés depuis notre arrivée dans le pays. Le chef est assez énervé mais est correct avec nous.

A 9h, c’est un douanier. Il veut vérifier que nous avons toujours nos médicaments à la codéine enregistrés et scellés par la douane d’Ishigaki, photos à l’appui dans son dossier.  Peut-être a-t-il rendu compte ensuite à ses collègues que nous étions effectivement en règle ?

Bon, on va quand même pouvoir sortir et partir à la découverte de cette ville historique d’Hagi…

Hagi . Capitale du domaine de Choshu pendant la période Edo. (1603-1868). Quartier ancien préservé de maisons blanches et noires, de toits de tuiles sombres, de petits jardins fleuris de camélias et d’orangers (ou mandarines d’été) au parfum délicat. Le Japon ayant aboli son système féodal à la fin des années 1800, de nombreux samouraïs se sont retrouvés sans emploi. Pour résoudre leurs difficultés financières certains se sont tournés vers la plantation d’oranges d’été. Quelques belles demeures de samouraïs, des temples et des sanctuaires dans le quartier marchand. De nombreuses rues portent le nom de commerçants illustres, les murs blanchis à la chaux sont décorés dans la partie basse d’un treillage disposé en oblique.

Hagi est renommée depuis 1604 pour ses poteries les Hagi Yaki.  Là aussi comme à Hirado ce sont des potiers coréens qui lancèrent la production de cet artisanat.

Mais Hagi est surtout réputée pour les 5 jeunes intrépides qui partirent clandestinement sur un navire de commerce vers l’Angleterre peu avant 1868, date de la Restauration de Meiji. Souvenez-vous à cette période le pays était fermé, (et ce depuis 200 ans), il était interdit de voyager sous peine de lourdes sanctions. A leur retour, ils sont devenus les personnages influents du nouveau Japon en contribuant largement à la modernisation de l’archipel grâce à leurs toutes nouvelles compétences.

Kikuya House, la demeure de la famille Kikuya qui a servi le clan Mori en mettant sa maison à disposition des invités de marque, quitte à faire construire une aile supplémentaire pour le séjour d’un hôte illustre. Nous bénéficions d’un guide privé et déambulons en chaussettes sur les nattes. La pièce de réception, le vestibule d’attente, la cuisine, la pièce bureau du commerçant donnant sur la rue, et le jardin.

Dans la même rue se trouve le lieu de naissance de Shinsaku Takagusi, un des jeunes audacieux qui ont modernisé le Japon.

Un peu plus loin près du château de Hagi se trouve le quartier des samouraïs de haut rang. Dont la maison natale de Kido Takayoshi, acteur majeur de la transition du Japon avec Saigo Takamori et Okubo Toshimichi, le premier trio de samouraïs dont je vous ai déjà parlé dans les mails de Ichikikushikino.

Au musée Kumaya où sont exposées de belles pièces comme un palanquin, des armures de samouraï, des soie peintes, des paravents, le vieux monsieur qui est notre guide aimerait nous expliquer chaque objet présenté mais nous n’avons plus beaucoup de temps avant la fermeture du temple et prétextons que j’ai mal au pied pour nous éclipser non sans avoir signé son livre d’or.

Toko Ji, temple bouddhiste plus éloigné, nous préférons prendre un taxi pour nous y rendre. Il est connu pour abriter les tombes de plusieurs daimyos. 500 lanternes en pierre sont disposées sur le dernier terre-plein.

Le Tanuki : chien viverrin. Il est considéré comme un yokai, un esprit de la forêt aux attributs disproportionnés et aux pouvoirs magiques. Nous le rencontrons partout en céramique dans les vitrines et en décoration près des portes d’entrée des maisons.

www.manevai.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.